Le nombre de jeunes incapables de rembourser leurs dettes a atteint un sommet puisqu’ils représentent maintenant près du tiers des dépôts de bilan au Québec, selon les données de notre Bureau d’enquête.
« Les jeunes ont tendance à vouloir tout avoir, tout posséder. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. (…) Je sais maintenant», reconnaît Stéphanie (nom fictif), une jeune femme de 23 ans qui a fait faillite en 2020 (Témoignage à lire demain).
Au Québec, les jeunes de 18 à 34 ans représentaient 22,5 % des dépôts de bilan en 2011. En 2022, cette part était passée à 29,2 %. Un sommet depuis 15 ans, selon le Bureau du surintendant des faillites.
Même si nous sommes toujours en dessous des niveaux d’avant la pandémie en termes absolus, la tendance à la hausse est notable et devrait s’accélérer, selon plusieurs experts.
« Il est très clair qu’il y a une augmentation significative depuis le retour des vacances (de 2022 à 2023). «Les jeunes, le groupe entre 20 et 35 ans, ce sont eux qui déposent les dossiers», révèle en entrevue Mathieu Roy, syndic du cabinet M. Roy et Associés.
«Les personnes de moins de 30 ans sont celles dont le solde de leurs cartes de crédit augmente le plus rapidement», ajoute Pierre Fortin de Jean Fortin et Associés.
Pierre Fortin, président de Jean Fortin & Associés.
Photo Pierre-Paul Poulin, Le Journal de Montréal / Agence QMI
Une faillite à 15 000 $
Mathieu Roy indique que les faillites qu’il connaît actuellement ne sont pas nécessairement de gros montants. Dans certains cas, il s’agit de montants aussi minimes que quelques milliers de dollars. « En général, il s’agit d’une dette de 15 000 à 18 000 $ », dit-il.
Il mentionne que de nombreux jeunes de moins de 35 ans se sentent généralement moins mal à l’aise face à la faillite que leurs aînés. Il ne faut cependant pas prendre les conséquences à la légère, prévient-il.
« Il y a un joker dans le système. Mais il y a des répercussions sur le dossier de crédit qui durent des années », explique-t-il.
Les créanciers montrent les crocs
Autre facteur à considérer : le réveil des créanciers. La syndic Sophie Desautels de Raymond Chabot Grant Thornton dit constater depuis quelques temps un changement de ton chez les créanciers impliqués dans de nombreux dossiers, comme Revenu Québec et les sociétés émettrices de cartes de crédit.
« Dans nos bureaux, nous constatons beaucoup plus de saisies et de menaces de saisies. (Pendant la pandémie), les créanciers ont accordé des délais de grâce pour les paiements. «C’est redevenu comme avant», explique-t-elle.
Et selon elle, les plus pauvres ne sont pas les seuls à être touchés par la situation actuelle d’inflation et de hausse rapide des taux d’intérêt. « Nous voyons de jeunes médecins qui ont bénéficié d’incroyables marges de crédit faire faillite. Je ne dirais pas que c’est courant, mais ça existe », dit-elle.
Pourquoi les jeunes font-ils faillite ?
Accès facile au crédit
Il existe plus que jamais de façons de dépenser de l’argent sans toujours en avoir conscience, souligne Pierre Fortin, syndic de Jean Fortin et Associés, surtout dans un contexte post-pandémique où les restrictions sont moins nombreuses. « Tout peut être financé aujourd’hui : Amazon, les voyages, les spas, les pergolas, les meubles de terrasse », dit-il.
Le système de consommation
« Nous avons un système basé sur la consommation. Aucun gouvernement ne veut restreindre cela. Si les revenus ne suffisent pas, nous recourons aux prêts. Le système n’aide pas. Cela fait que le risque de s’endetter est nettement plus grand que par le passé», a poursuivi Pierre Fortin.
Manque d’éducation
Le manque de scolarité et la difficulté de trouver un emploi jouent un rôle majeur dans les évolutions actuelles, même avec le plein emploi au Québec, souligne Mathieu Roy. « Les gens qui viennent chez nous n’ont aucune formation particulière. Ils n’ont pas la formation nécessaire pour obtenir un travail rémunéré », dit-il.
Paiements virtuels
Selon Johanne Leblanc, conseillère budgétaire chez Option Consommateur, le côté de plus en plus abstrait des paiements, qui se font presque parfois en un seul clic, joue des tours aux jeunes.
« On fait les cent pas et notre téléphone est déjà connecté à notre compte bancaire et à notre carte de crédit. Il y a beaucoup moins de périodes de réflexion nécessaires avant de pouvoir recevoir un bien ou un service », note-t-elle.
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